Souvenir sans nostalgie de l’époque où j’étais du côté des bouchers.

Toi tu es intelligent, tu sais ce qu’on est en train de faire non ?

Bien-sûr que je l’avais compris : après des années d’acharnement à dégraisser et dégraisser encore, il ne restait qu’un tout petit bout de gras et c’était nous, il fallait qu’on disparaisse, le gras c’est pas sain pour l’économie.

“Tu sais ce qu’on est en train de faire non ?” Cette question, c’est mon “cadre référent” de l’époque qui me l’a posée lors d’une petite discutions en aparté après un comment dit-on déjà ? Comité de… Comité de pilotage oui c’est ça, “copil”. Un “copil” à se vomir dessus. J’ignore encore aujourd’hui si son intention était de sonder mon état d’esprit dans le but de savoir si je pouvais représenter un danger quelconque ou parce qu’il était aussi dégouté que moi et qu’il recherchait une oreille amie.

Fusion, acquisition, standardisation, rationalisation, automatisation… vous avez certainement entendu ces mots au moins une fois à la télévision non ? CAC 40 ça vous dit peut être quelque-chose ? Sinon, je peux vous expliquer en quelques mots simples :

Fusion, acquisition, standardisation et rationalisation sont les étapes nécessaires dans le monde du grand capital pour arriver au résultat ultime, celui qui fait bander le porte-feuille des grands patrons : le dégraissage -comprendre la suppression de personnel-. Dégraissage qui entraine (et c’est​ là où érection est à son maximum) plus de bénéfice.

C’est le joyeux petit monde dans lequel j’ai opéré pendant des années et j’étais plutôt brillant, j’ai rationalisé beaucoup de monde. Si vous ne comprenez pas tout à fait la signification du mot rationaliser voici une petite définition qui va vous aider un peu.

Rationaliser : coller le plus de gens possible au chômage car ils grèvent le bénéfice.

Jusqu’au stade ultime le projet viagra, l’extase suprême des gonades patronales qui consistait tout simplement à “rationaliser” les équipes de “rationalisateurs” parce que vous comprenez, ça en fait des bouches à nourrir tout ça. Et le plus joli de l’histoire, c’est que l’on a dû recruter des intérimaires pour le faire car on manquait de personnel qualifié. Intérimaires, embauchés dans le vivier de “rationalisateurs” qu’on avait “dégraissé” ici et là et ils étaient heureux de trouver un peu de travail, car eux aussi avaient des bouches à nourrir.

À l’époque, je pensais comme eux, je pensais qu’on était soit le boucher soit le morceau de viande et je faisais Mon petit travail de boucher, je manoeuvrais la petite manette qu’on m’avait confiee avec un certain talent, je proposais des idées pour accélérer la cadence.

Je lui ai répondu “oui je sais” et j’ai dénoué ma cravate, cette cravate voyage avec moi aujourd’hui, elle reste dans une poche de ma sacoche depuis. Souvenir de l’époque où je faisais partie des bouchers et je pensais que c’était bien.

Tsoin tsoin.

12 thoughts on “Souvenir sans nostalgie de l’époque où j’étais du côté des bouchers.

Add yours

  1. “celui qui fait bander le porte-feuille des grands patrons”
    j’aime beaucoup cette formule 😉
    Ta façon de parler cru et avec sarcasme fait partie de ta richesse et de ton originalité. Ça, on ne peut pas te l’enlever !

    Liked by 1 person

  2. Dans ce cas je comprends mieux vos choix et je ne peux que vous féliciter. Vous venez de commencer une nouvelle vie. Et cette fois elle va dans le sens que vous souhaitez, n’est – ce pas?

    Ce blog pourrait par exemple tout changer! Alors courage pour la suite! Et au besoin sachez que vous pouvez comptez sur mon aide.

    Liked by 3 people

    1. Il y a longtemps maintenant que j’ai arrêté de travailler dans cet univers, ce que je vous aujourd’hui j’ai envie de dire que c’est la collision entre mes choix et les accidents de parcour. Difficile de répondre à la question est ce que c’est bon pour moi. C’est bon psychologiquement et moralement, peut être risqué , l’avenir me le dira.
      J’ai construit ce blog sur un coup de tête dans un moment noir, c’est ce qui m’a raccroché au monde à ce moment là, je ne sais pas comment il va tourner et évoluer, en fait c’est vous tous qui me font devenir ce qu’il est. Merci Roomanies. 🙂

      Liked by 2 people

    1. Oui je la garde toujours dans mon sac, on ne sait jamais au cas où quelqu’un me propose un poste dans le même domaine un de ces jours, ce serait bête de rien avoir sous la main pour l’étrangler…

      Liked by 5 people

Leave a comment

A WordPress.com Website.

Up ↑